Accusée de crimes de guerre en Ukraine, «la Russie devra rendre des comptes»

16.03.22

Documenter les crimes de guerre imputés à la Russie et aider les Ukrainiens à conserver les preuves de ces crimes de guerre, c’est l’un des objectifs de l’Association du barreau ukrainien qui a mis en place un centre d’appel et de soutien aux victimes du conflit. Cette aide juridique doit permettre également aux Ukrainiens qui souhaitent fuir leur pays de trouver des conseils sur le droit d’asile et sur la législation des pays d’accueil. Entretien avec Anna Ogrentchouk, avocate et présidente de l’Association du barreau ukrainien.

RFI : Quel est l’objectif du centre d’appel que vous avez mis en place après le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine ?

Anna Ogrentchouk : Après le début de l’invasion c’était le chaos : personne ne savait que faire ou à qui demander de l’aide, alors nous avons lancé notre centre d’appel. Maintenant, nous avons plus de 200 avocats qui se sont portés volontaires et nous avons déjà reçu à ce jour 700 requêtes. Il s’agit principalement de questions sur les différentes règles d’asile dans les pays frontaliers. Nous avons tout un réseau d’avocats à l’étranger qui nous aident dans plusieurs pays, en Lituanie, en Lettonie, en Pologne, en Roumanie ou en Hongrie.

Concrètement que faites-vous pour aider les Ukrainiens qui veulent quitter leur pays, qui veulent être accueillis dans les pays frontaliers et qui espèrent s’y réfugier ?

Il y a des gens qui ont perdu leurs papiers d’identité et ils nous demandent s’ils peuvent quitter le pays sans ces papiers. Ils nous posent des questions aussi pour leurs enfants ou leurs parents s’ils sont malades. Peuvent-ils quitter le pays pour raisons médicales ? C’est le genre de questions qui nous sont posées. Par exemple, nous avons apporté une aide pour l’évacuation d’enfants hospitalisés vers la Pologne.

Votre centre d’appel s’occupe également de réunir les preuves des crimes de guerre imputés à la Russie. Quels conseils donnez-vous aux Ukrainiens qui par exemple auraient perdu leur maison ou leur entreprise à cause du conflit ?

Nous leur demandons d’avoir une attestation de propriété, d’en faire une photo, et de la garder sur leur téléphone. Si c’est possible et si ce n’est pas dangereux, nous leur demandons aussi de prendre en photo les dégâts matériels. En résumé, nous expliquons aux gens comment rassembler les preuves des destructions causées par la guerre.

Avec le procureur général d’Ukraine nous avons lancé une plate-forme internet que nous avons appelée « Crimes de guerre. » Sur cette plate-forme, très facilement, vous pouvez télécharger les photos de destruction, ajouter vos informations personnelles etc… Nous conseillons également aux victimes d’utiliser des applications qui existent déjà. Par exemple, l’application « Eye Witness Program » qui a été créée par l’Association internationale du Barreau. Cette application permet de prouver immédiatement la localisation, la date et l’heure des photos ou des vidéos. Elle permet également de prouver qu’elles sont authentiques.

Pourquoi est-ce si important de faire ce travail de documentation et de conservation des dommages provoqués par le conflit ?

Nous avons besoin de collecter ces preuves et de les protéger pour pouvoir ensuite les utiliser en justice contre la Russie. Nous sommes avocats et nous comprenons que tout cela doit être fait avec une grande précision parce que la Russie va tout contester : les autorités russes vont dire que ce ne sont pas elles qui sont responsables, mais les Ukrainiens… Il est donc très important de rassembler ces preuves de la façon la plus rigoureuse qui soit.

Vous pensez réellement qu’un jour toutes ces preuves pourront être présentées devant la justice et que la Russie répondra de ces actes ?

Je suis sûr que cela aura lieu. Nous allons utiliser toutes les possibilités légales pour poursuivre la Russie, devant la justice ukrainienne et devant la justice internationale. Tous les dommages et toutes les pertes seront prouvés, la Russie sera tenue pour responsable et devra tout dédommager. Personne ne pense comme le disent les Russes qu’il s’agit d’une « opération spéciale ». C’est une guerre et la Russie doit être tenue responsables de ses conséquences.

Other publications

Arrow Arrow